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La Minute Nécessaire est Terminée
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24 octobre 2004

Des sentiments qui n'ont pas besoin de reposer sur un quelconque paysage

Un café, clair, blanc et très ouvert à la lumière neutre d'une journée dans les buildings. Presque une cafétéria. Un espace. Les tables sont largement séparées et recouvertes d'une nappe rose très clair d'un tissus dont la douceur est imperceptible, inaccessible, et qui semble couvrir une table de néant, qui n'existe pas mais qui ne cesse de peser. Les verres sont lisses, et contiennent des alcools rendus translucides par les glaçons qui y meurent en silence. Jaune pâle. Des hommes d'affaires passent sans arrêt derrière ce couple assis à cette table.
Ils se connaissent trop, ont beaucoup vécu ensemble. Mais ils sont jeunes. C'est maintenant qu'ils n'ont plus rien à se dire qu'ils commencent vraiment à parler. Ils le font avec une extrême lenteur. Quand l'un dit une phrase, un silence s'en suit. Après chaque point ils respirent pendant plusieurs secondes. Ils ne sont pas fatigués. Ils sont ensemble autrement et ailleurs. Ils regardent, eux et les autres. Eux. Ici n'est pas, ou n'a pas d'importance. C'est comme s'ils se disaient des sentiments qui n'ont pas besoin de reposer sur un quelconque paysage: c'est nouveau. Chaque mot qu'ils prononcent est plus vrai que tout ce qu'ils aient pu se dire depuis toujours. Et chaque fin de phrase insiste sur les quelques secondes de silence qui lui reviennent. Des phrases comme:

  - Je n'ai jamais voulu regarder la vie dehors, quand elle crève les yeux.
...
  - Je ne t'ai jamais voulu que comme un étranger aux autres, et que je le sois pour toi, mais cet après-midi tu est en train de devenir familier, de pouvoir devenir avec moi un étranger aux autres.
...

Ils ont cessé de parler, ont fumé une cigarette en observant le flot humain, et se sont embrassés.

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