La couleur du soir

Le soleil dit qu'il est temps, qu'il va rentrer. Quand le soir s'installe, il lui précède un ciel qui s'installe sur la ville pour la préparer, où une armée s'affaire à tout bien vérifier, regarder si tous les recoins ont bien été lavés. On peut voir au loin le résultat de cette battue. Le bleu d'en haut est clair, et il aspire en bas une couleur qui n'existe que le soir, un orange très doux où s'exprime quelque part un rose lointain, caché au fin fond de cet orange faussement dominateur, implorant qu'on remarque sa présence. La couleur du soir. Si un nom devait exister pour elle, ça ressemblerait à "méviya".

C'est l'âme de la ville diurne que ce ciel venu exprès retire, le temps d'une nuit. Le lendemain c'est le ciel du matin qui vient, une autre armée, des confrères, qui eux s'occupent du contraire. Ils appliquent sur le visage de la ville qui se réveille cette âme fraîche, et veillent bien à ce que tout lieu en soi bien imprégné. C'est pourquoi le soir, l'autre ciel doit travailler aussi sur les bâtiments et en extirper cette substance. Sur le parvis de La Défense on voit au loin l'arc de triomphe qui rougit de cette couleur: il méville. Et tous les autres bâtiments mévillent aussi, certains plus que d'autres...chacun sa façon de méviller.

Tandis que le méviya s'estompe et fond dans le bleu, le ciel vient chuchoter à toutes les oreilles vivantes que ça y est, que la journée s'achève et que toutes les petites affaires sont terminées. Chaque être inspire alors cet air comme il vient, comme il en a l'habitude ou comme il a envie de le vivre aujourd'hui, et s'immisce tout doucement dans la soirée...